Coups de cœur·Témoignage/Biographie/Essai

« Tristesse de la terre » d’Eric Vuillard aux éditions Babel

 »  » Créé en 1883, le Wild West Show de Buffalo Bill proposait d’assister en direct aux derniers instants de la conquête de l’Ouest : au milieu de cavaliers, de fusillades et d’attaques de diligences, des indiens rescapés des massacres y jouaient le récit de leurs propres malheurs. L’illusion était parfaite. Par la force de la répétition et le charme de la féerie, le Wild West Show imposa au monde sa version falsifiée de l’Histoire américaine. « 

Plus qu’un roman, Eric Vuillard nous livre un essai sur la mise en scène de l’Histoire des indiens d’Amérique, mais aussi sur ce qui ne fût pas moins qu’un génocide de ce peuple par les américains.

Le texte est court, la phrase ciselée.

Il me laisse la sensation étrange d’avoir à la fois appris énormément de choses, tout en restant sur ma faim.

J’ai appris comment Buffalo Bill était le pionner du show business à l’américaine en mettant en scène de vrais indiens rejouant les scènes de bataille. Évidemment, Buffalo Bill en a profité pour réécrire l’Histoire à l’avantage des américains et on perçoit à quel point un « simple spectacle » a pu imprimer dans la conscience collective de fausses vérités. L’Art au service de la propagande.

De quoi nous poser des questions sur notre regard sur l’industrie du spectacle.

C’est d’autant plus révoltant ici que Buffallo Bill a forcé les indiens à jouer sur scène le récit de l’anéantissement de leur peuple. Un peuple massacré, battu, humilié, spolié.

Eric Vuillard nous rappelle ainsi que la société américaine s’est construite dans le sang et le profit.

Ce livre me fait un effet étonnant. Au cours de ma lecture, je regrettais un manque de développement et d’émotions. Tu sais, ce petit truc en plus qui te chavire le cœur.

Mais quelques jours après l’avoir lu, il me hante encore et c’est seulement maintenant que je perçois tout l’effet qu’il a eu sur moi.

Ce roman finit par vous hanter, à l’image des photographies de ces indiens qui émaillent le texte.

Leurs regards portent en eux une infinie tristesse et une infinie sagesse qui nous poursuit longtemps une fois la dernière page refermée.

Preuve qu’Eux Vuillard accompli ici un devoir de mémoire qui porte.

Me reste une seule interrogation dont je serais heureuse de discuter en commentaires avec ceux qui l’ont lu : le lien entre le dernier chapitre et le reste du livre…

J’ai trouvé cela parfaitement tiré par les cheveux… J’ai bien une idée mais je trouve ça tellement alambiqué que je serais ravie que vos lumières m’éclairent !

2 commentaires sur “« Tristesse de la terre » d’Eric Vuillard aux éditions Babel

  1. C’est un livre que j’ai adoré et je suis heureux de lire ta chronique. Je l’avais mis au tout départ sur mon blog. Je suis encore aujourd’hui émerveillé par la beauté du dernier chapitre. Pour moi c’est la correspondance entre cet amoureux de la nature qui photographie les flocons de neige et cette scène atroce de la neige qui tombe sur les indiens massacrés de la bataille de Wounded Knee, pages 52 à 60. Chacun a sa lecture et c’est normal. Moi j’y ai vu une analyse fine de l’histoire et des hommes. Certains sont du côté de la mort, exploitent, humilient, mutilent, tuent. D’autres sont du côté de la vie, de la beauté, de la transmission. C’est pour cela que j’aime Vuillard, pour sa poésie et sa faculté à peindre les hommes tels qu’ils sont, certains salissent l’humanité, d’autres la rendent belle et la respecte. Bien sûr c’est une construction artistique car les deux parties ne sont pas bien délimitées. J’essaie modestement, mais avec beaucoup d’autres, de faire pencher la balance… Cela s’appelle maintenir l’espoir. Merci pour cet échange sur un livre qui me touche énormément.

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