
À travers cet essai, Mona Chollet évoque les Sorcières modernes. Les sorcières, ce sont ces femmes qui, historiquement, dans des sociétés fortement patriarcales, faisaient peur. Peur par leur indépendance, par leurs savoirs et connaissances, par leur envie revendiquée de ne pas vivre comme la société attendait d’elle.
Mona Chollet se sert de ces figures pour illustrer 3 cas de femmes qui font peur ou attirent les critiques dans notre société actuelle : les femmes vieillissantes, les femmes indépendantes et les femmes sans désir d’enfant. Elle évoque également en toute fin les femmes face aux médecins, au corps médical dans son ensemble et démontre à quel point elles ont toujours été placées en position d’infériorité et de domination.
Le livre de Mona Chollet est extrêmement documenté et accessible à tous. Point de prose alambiquée et compliquée, pas de références inaccessibles. Elle puise ses références aussi bien dans l’Histoire, que dans les essais sociologiques, mais aussi dans la culture populaire : séries, films… Bref, un essai instructif où tu n’as pas besoin d’avoir bac + 25 pour y comprendre quelque chose…
Mais pour moi l’intérêt s’est arrêté là. Pourquoi ?
D’une part parce que Mona Chollet ne fait pas dans la nuance ou alors, en une phrase lapidaire. Le reste du temps, elle est plutôt clairement à charge, et la démonstration va toujours dans le même sens.
D’autre part, sa démonstration a tendance à opposer non seulement hommes et femmes, mais aussi deux catégories de femmes. Celles qui seraient éclairées et modernes, et celles qui se seraient laissées assouvir par la domination masculine ou qui auraient cédé à la pression sociale.
Cela est pour moi parfaitement illustré par son chapitre sur les femmes sans désir d’enfant. Je débutais ce chapitre très heureuse de connaître son point de vue. J’estime que nous nous sommes assez battues pour disposer de notre corps comme nous l’entendons et que ce droit est un droit élémentaire de la femme : celui de choisir de ne pas avoir d’enfant. J’avais donc hâte de lire ce qu’elle avait à dire, puisqu’elle fait partie des femmes à avoir fait ce choix et je trouve ça génial de pouvoir le revendiquer haut et fort.
Seulement voilà, au lieu de ça, j’ai eu le sentiment que Mona Chollet faisait finalement exactement ce qu’elle dénonce. Elle dénonce le regard porté sur son choix, en portant un regard pour le moins tranché sur celles qui ont fait le choix inverse. Elle semble estimer que faire le choix de ne pas faire d’enfant est le choix éclairé, tandis que celles qui font le choix d’en faire, ne le font que, soit parce qu’elles ont cédé à une forme de pression sociale, soit par soumission. Elle considère d’ailleurs qu’en faisant des enfants, on cède finalement à une autre forme de domination : la domination domestique. Moi qui allais vers ce livre pour y chercher un peu d’ouverture et de tolérance, me voilà presque clouée au pilori à mon tour…
Pour conclure, je regrette que cet essai fasse si peu dans la nuance. Je voulais lire un essai féministe éclairant, mais j’ai plutôt eu le sentiment de lire un manifeste militant.
D’autre part, je suis toujours gênée par ces essais qui mettent les gens dans des cases et en opposition. Les femmes contre les hommes, les femmes libres et indépendantes, contre celles considérées forcément soumises, car mariées et mères de famille.
Est ce que ça fait avancer les choses ? Est ce que ça fait changer les mentalités ? Est ce que ça propose d’autres modèles pour une vie plus harmonieuse, plus respectueuse de chacun ? Non.
Certes, ce livre peut éclairer certaines et certains sur un état de fait, sur l’histoire d’une société longtemps marquée par la domination patriarcale. Elle excelle dans le fait de donner des exemples accessibles de la preuve de cette domination. Peut-être que cet essai marquera des esprits plus jeunes ( eh oui, je fais partie moi aussi des femmes vieillissantes, Sorcière de mon temps) qui découvriront ce qui a amené des femmes à vouloir s’émanciper et se battre pour l’obtention de droits élémentaires. Et c’est important.
Mais j’aurais aimé lire quelque chose de moins clivant et surtout, apportant des piste de réflexion pour un début de solution !
C’est vrai que si en guise de compréhension, on se retrouve à lire un analyse assassine de nos propres choix, l’objectif n’est pas atteint…
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J’ai en effet trouvé dommage d’opposer ainsi les choix, cela ne sert pas la cause des femmes malheureusement selon moi ! Cependant, ce livre reste très intéressant et documenté !😉
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J’adore votre façon d’écrire. Cependant, je pense tout de même que je vais lire ce texte.
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Bonjour Marion et merci pour ce message ! Mais bien sur : il FAUT le lire ! Et se faire sa propre opinion. Il est fort intéressant et documenté, je suis juste sceptique sur certains passages qui, à mon sens, ne servent pas la cause des femmes mais tendraient plutôt à les opposer. Cependant, sa lecture reste intéressante ! Alors bonne lecture ! 😊😉
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« D’autre part, je suis toujours gênée par ces essais qui mettent les gens dans des cases et en opposition. Les femmes contre les hommes, les femmes libres et indépendantes, contre celles considérées forcément soumises, car mariées et mères de famille. »
J’avoue que je ne l’ai pas du tout interprété comme ça mais c’est vrai que le point de vue qu’on a en amont sur le féminisme peut changer notre façon d’interpréter. Je ne pense pas que Mona Chollet considère que les femmes en couple ou avec des enfants soient des femmes soumises, ce serait assez peu féministe comme vision d’ailleurs ! Mais à partir du moment où ces choix sont mis en avant comme la norme, notre « liberté » de choix pose question. C’est toute la problématique en fait : à la fois ce sont nos choix « libres »… et en même temps on sait qu’ils sont extrêmement influencés par ces normes sociales, et qu’il est toujours bien plus faciles de « choisir » de coller à la norme. Même chose pour l’épilation par exemple, j’entends parfois des femmes qui disent « non mais c’est mon choix de m’épiler »… Oui, mais quel est le degré de liberté d’un tel choix si le fait de choisir le contraire nous expose à des humiliations et à des situations sociales inconfortables en permanence et à des formes de répression ? Je pense que c’est pour ça que des livres comme Sorcières insistent sur ces choix non conformistes : parce que ce sont ces choix à contre courant qui sont réprimés parfois violemment, et qui montrent finalement que le choix initial était tout relatif (je ne sais pas si je suis très claire ^^)
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Je ne peux que te conseiller la lecture de « Rêver l’Obscur » de Starhawk, meilleur livre sur le sujet d’après-moi.
Si ça t’intéresse t’aurais qu’à me dire, je pense écrire sur ce livre d’ici peu.
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Genial ! Merci pour la référence ! Je note précieusement
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Un livre que je souhaite découvrir mais à te lire et certains commentaires, il ne sera pas une priorité dans mes achats livresques 😉
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Dans la même thématique, j’ai largement préféré Ame de sorcières de Odile Chabrillac !
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